Depuis des années nous faisons face en tant qu’humains, habitants d’une même planète, à la réalité du changement climatique. Il est désormais établi que les facteurs d’accélération de ces dérèglements environnementaux sont liés à nos activités humaines. Parmi ces activités, la transformation digitale est l’un des domaines les plus actifs, encore vouée à une croissance considérable pour les prochaines années. Ainsi en France, pour une agence telle que l’Arcep (Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse), l’impact des réseaux de communication, des terminaux et des usages sur l’environnement est un sujet d’attention croissant. Selon greenIT.fr et The Shift Project, le numérique représente aujourd’hui 3 à 4 % des émissions de gaz à effet de serre (GES) dans le monde et 2,5 % de l’empreinte carbone nationale. Si cette part demeure modeste comparativement à d’autres secteurs, la croissance annuelle de la consommation du numérique (volume de données, terminaux, etc.) doit nous alerter.
En effet, selon le pré-rapport de la mission d’information sur l’empreinte environnementale du numérique du Sénat, les émissions en GES du numérique pourraient augmenter de manière significative si rien n’est fait pour en réduire l’empreinte : + 60 % d’ici à 2040, soit 6,7 % des émissions de GES nationales.
Face à cette réalité, nous devons donc réaliser des efforts d’optimisation aussi bien dans notre sphère privée que dans notre sphère professionnelle. C’est sur le domaine des activités numériques des entreprises que se concentrera cet article.
L'éco-responsabilité
Pour assurer leur bon fonctionnement, les entreprises ont besoin de s’appuyer sur un ensemble de services et d’appareils digitaux. Les chantiers de transformation digitale ont permis aux entreprises de numériser les usages de leurs collaborateurs, moderniser et optimiser les processus existants. Si l’idée de priver les organisations de leurs biens digitaux acquis n’est pas envisageable, une exigence en termes d’éco-responsabilité me semble primordiale sur les 3 axes suivants :
- Les usages : les utilisateurs sont les premiers consommateurs des services digitaux mis à disposition par l’entreprise. Les usages ont un impact direct sur l’émission de GES. Découvrir l’article « Les outils Microsoft 365 dans une stratégie bas-carbone » ici, A titre d’exemples :
- L’envoi d’un email a un facteur d’émission de 0,41 gCO2e / Mo / interlocuteur (c’est-à-dire en fonction de la taille et du nombre d’interlocuteurs) ; l’envoi d’un mail avec une pièce jointe de 1 MB émet la même quantité de gaz à effet de serre (GES) que celle générée par la production d’un sac en plastique.
- Le stockage de documents dans un espace cloud représente 410 gCO2e par Go de données chaque année, ce qui correspond à un trajet en train de 237 km (Paris – Roubaix).
- La visioconférence (le fait d’allumer sa caméra pendant une réunion à distance) a un facteur d’émission de 0,36 gCO2e / min / participant. Cela peut paraître peu comparé aux autres outils, mais les réunions sont parfois très longues et on peut parfois compter un nombre très important de participants. Par exemple, pour une réunion d’une heure avec 10 personnes qui ont toutes leur caméra allumée, la quantité de gaz à effet de serre est la même que pour un voyage en train de 125 km (Lille – Amiens). Imaginez si vous faites 3 ou 4 réunions par jour, la consommation devient rapidement très élevée.
- Le software : dans une ère où la grande majorité des softwares sont hébergés dans le cloud, il convient d’être rigoureux dans l’affectation des licences ou dans le choix d’une architecture logicielle responsable afin de ne pas mobiliser des ressources inutiles ou superflues.
- Le hardware : il s’agit peut-être du paramètre d’optimisation le plus évident et le plus simple à appréhender. Cependant, il conviendra de distinguer deux aspects complémentaires :
- Le parc informatique d’une organisation en adoptant une approche responsable sur l’approvisionnement, la durée d’utilisation et le recyclage des appareils.
- Une rationalisation/optimisation des infrastructures aussi bien cloud que on-premise assurant le bon fonctionnement d’une organisation.
La méthodologie GreenOps pour une Transformation Durable
Le GreenOps est une méthodologie informatique au même titre que le DevOps et le FinOps. Alors que le DevOps et le FinOps cherchent pour le premier, à optimiser les développements logiciels et ses moyens techniques, et pour le second à optimiser les coûts de fonctionnement des solutions déployées, le GreenOps a été pensé pour aider à mieux maîtriser et optimiser l’impact écologique des entreprises dans leurs chantiers de transformation digitale grâce au cloud.
Cette nouvelle méthodologie promue, documentée et outillée par Expertime, offre aux entreprises des moyens concrets pour agir sur leur empreinte écologique inhérente aux consommations de solutions cloud.
Le GreenOps a pour but de :
- Diminuer l’impact environnemental de vos chantiers digitaux
- Rationnaliser les consommations de Cloud Computing
- Servir l’objectif d’une transformation durable des entreprises
- Favoriser l’appropriation des enjeux écologiques du monde numérique par la DSI et favoriser la collaboration entre ces derniers et les équipes RSE
- Influer une démarche GreenIT aux fournisseurs/clients d’une entreprise
La méthodologie GreenOps consiste tout d’abord en l’application d’une démarche qui se décompose en sept grandes étapes :
- Planification : définition des objectifs à atteindre pour le succès de votre transformation durable.
- Cadrage : état des lieux au sein de votre organisation afin d’identifier les différents chantiers de votre transformation durable et les répartir selon les 3 axes identifiés plus haut.
- Conception et Formalisation : définition des solutions aux chantiers identifiés durant l’étape de cadrage.
- Compromis : aucune transformation ne peut emprunter un chemin parfaitement rectiligne. En effet, pour garantir le succès et l’adhésion de tous, la recherche de compromis sera nécessaire. Toutefois, pour qu’une transformation opère, cette dernière doit reposer sur de fortes convictions. Ces convictions ne doivent pas être négociables au risque de dénaturer vos chantiers, il faut plutôt accompagner le changement que renoncer face aux obstacles et aux freins.
- Déploiement : le déploiement est à la fois les opérations et choix techniques pour l’hébergement d’une solution mais aussi la conduite du changement réalisé auprès des collaborateurs afin que ces derniers adoptent les bonnes pratiques en termes d’usages responsables.
- Ajustements : ce sont les optimisations nécessaires à la suite de la confrontation à la réalité opérationnelle de l’étape conception et formalisation.
- Suivi et Monitoring : une organisation est en perpétuelle transformation pour rester légitime dans la durée. Cela est d’autant plus vrai sur le GreenIT et compte tenu des usages de la technologie qui évoluent continuellement.
La nature de la démarche GreenOps, intrinsèquement ouverte, en fait un véhicule propice à la collaboration et à la co-construction au sein de l’organisation d’une entreprise, mais également inter organisations et inter expertises. De plus, son objectif d’application « universelle » se matérialise comme une méthodologie et un outil applicable dans tout contexte, transverse aux 3 grands paramètres IT d’une organisation :
- Les usages : point de départ de toute réflexion informatique, il est impératif de challenger les besoins, les exigences et conseiller les choix de vos métiers. Est-il réellement nécessaire d’imprimer des écrans ? Est-il vraiment nécessaire d’historiser/monitorer à la seconde ? Est-il réellement nécessaire de proposer du stockage supplémentaire ? Chaque besoin client ne se résume pas automatiquement à la proposition de nouvelles solutions. Il conviendra de rechercher les optimisations possibles.
- Le software : qu’il s’agisse d’une solution standard du marché comme Microsoft 365 ou une solution faite sur mesure pour votre organisation, il est important d’être rigoureux sur le bon paramétrage/conception de vos softwares pour maîtriser l’impact carbone de ces derniers.
- Le hardware : les choix d’architectures et d’infrastructures directement impactés et influencés par les 2 axes précédents. Mieux vaut prévoir une infrastructure qui évoluera avec les usages des collaborateurs plutôt qu’une infrastructure « finale » que les usages ne rencontreront pas avant plusieurs années.
L’axe du digital est incontournable au sein d’une entreprise pour que cette dernière puisse maintenir sa légitimité et sa pertinence sur son marché et vis-à-vis des collaborateurs. L’avènement du cloud et des usages collaboratifs au sein des organisations ont donné naissance à de nombreux projets de transformation digitale. Toutefois, les usages et les technologies évoluant, il est difficile d’imaginer que les transformations écoulées suffisent pour que les organisations puissent envisager leur avenir en toute sérénité. Les nouveaux enjeux comme l’intelligence artificielle, le Citizen Development ou la dématérialisation de l’environnement de travail de ces dernières années ont montré que les entreprises doivent garder une agilité face aux changements. Au vu du contexte climatique, il n’est toutefois pas raisonnable de multiplier les transformations digitales sur le seul axe de la technologie. Tout comme l’Employee Experience, la notion d’éco-responsabilité doit être centrale pour faire de vos projets de transformation digitale des projets de transformations durables.
Par, Kévin ANANDOUT, Practice Specialist chez Expertime