L’année 2024 touche presque à sa fin, et mon quotidien de Consultant aura été fortement marqué par l’écosystème Copilot, et plus particulièrement la brique Copilot pour Microsoft 365. L’un des enjeux cette année aura été d’accompagner mes clients dans les premières expérimentations avec ce nouvel assistant intelligent.
L’objectif de ces expérimentations était bien précis : identifier les métiers générant le meilleur ROI et la meilleure satisfaction dans l’utilisation de Copilot pour Microsoft 365 afin de dimensionner une mise à l’échelle.
En effet, comme indiqué dans mon précédent article, Copilot pour Microsoft 365 est un outil magique, à condition de le mettre entre les mains d’utilisateurs qui auront les cas d’usage adéquats. C’est par exemple le cas de collaborateurs produisant de nombreux documents et/ou dépendant de nombreux services Microsoft 365, comme Microsoft Teams, Planner, etc.
Dans le cas des collaborateurs ne répondant pas à cette exigence, d’autres solutions issues de l’écosystème Copilot ou de l’univers IA Microsoft seront plus adaptées. Cet exercice de classification requiert, entre autres, l’identification et la mesure de ROI.
Mesurer le ROI : une question cruciale
C’est justement pendant l’identification et la définition de ces indicateurs qu’est apparue la question systématique de la mesure du gain de temps par utilisateur.
En effet, Copilot pour Microsoft 365 promet de gagner du temps sur un ensemble de tâches chronophages, comme celle de la rédaction de comptes rendus de réunions, pour n’en citer qu’une. Ce n’est évidemment pas le seul ROI apporté par Copilot pour Microsoft 365, mais c’est celui qui ressort systématiquement dans toutes les communications et études.
Un jour, avec Amaël LE LAN (Directeur Général Adjoint chez Expertime), nous échangions autour des premiers retours d’expériences concernant Copilot pour Microsoft 365, et je lui partageais le ROI du gain de temps dans mes arguments en faveur de ce nouvel assistant. Face à cet argument, il m’a soulevé une série de questions pragmatiques :
« Gagner du temps, mais pour quoi faire ? Quels sont les réels apports derrière ces gains de temps ? Toi, en tant que manager par exemple, est-ce que cela va te permettre d’adresser plus de réunions ? Si c’est le cas, est-ce réellement un gain ? Comment pourrions-nous mettre positivement à contribution ces gains de temps dont tu parles ? »
Bonnes questions en effet : gains de temps, mais pour quoi faire ? De mieux ? De plus ?
Le télétravail fourvoyé par une quantité de réunions trop importante
Pour répondre à ces questions, j’ai tout simplement appliqué le conseil que je donne à mes clients durant leurs expérimentations avec Copilot pour Microsoft 365 : cartographier l’ensemble de ses tâches et actions du quotidien afin de voir les axes d’optimisation possibles. Un travail qui peut paraître évident, mais que nous ne faisons malheureusement que trop rarement faute de temps.
Au quotidien, comme de nombreux Team Lead chez Expertime, mes fonctions se décomposent en trois grands blocs :
- Consulting
- Business Development
- Management
Ces blocs, bien que différents, partagent un point en commun : ils sont rythmés par un nombre de réunions très (parfois trop) important, et Expertime n’est pas la seule organisation dans cette situation.
« D’après une étude de Barco et Circle Research de 2019, menée auprès de 3000 « cols-blancs » en France et dans six autres pays, les cadres participeraient en moyenne à 10 réunions par semaine. Mais selon les postes et les entreprises, ce nombre peut aller du simple au double. Un sondé sur dix déclarait assister à plus de 20 réunions par semaine ! En France, en 2018, les cadres ont passé l’équivalent de 27 jours en réunion, selon l’étude de Wisembly et l’Ifop. C’est plus qu’ils n’ont de jours de congés. »
(Sources : 8 chiffres étonnants sur les réunions en entreprise, Welcome to the Jungle)
Depuis l’épisode Covid, l’adoption massive du télétravail a profondément changé notre dynamique et notre perception du travail. Le télétravail a démocratisé les réunions à distance. Avec la quantité évoquée plus haut, il n’est pas rare de remettre en question l’intérêt de nos déplacements dans les locaux de nos organisations respectives, surtout lorsque notre journée consiste à enchaîner les réunions Teams.
J’écrivais, dans un précédent article, les dérives que le télétravail pouvait apporter aux collaborateurs, avec notamment l’amincissement de la frontière entre nos sphères professionnelle et privée. Cela a donné naissance à de nouvelles problématiques :
- L’absence de transition physique entre son espace professionnel et son espace personnel.
- Le manque de lien entre les collaborateurs et leurs managers.
- Des journées de travail plus longues.
« En 2021, 65 % des entreprises ont ainsi été touchées par des arrêts longs, liés en grande partie aux traumatismes, aux accidents et aux troubles psychologiques, détaille le baromètre annuel de Malakoff Humanis, réalisé du 23 août au 24 septembre 2021, auprès de 2 500 salariés et dirigeants d’entreprises du secteur privé. Les arrêts multiples, également en hausse, ont concerné 41 % des salariés. »
(Sources : Télétravail et absentéisme, « l’effet de ciseau », Le Monde)
Turnover et monotonie des tâches
Au-delà des problématiques sanitaires, les organisations sont aussi affectées en termes de turnover. Si le taux de turnover est stable ces dernières années en France, s’établissant à 15 %, il est intéressant de se pencher sur certaines raisons expliquant pourquoi un collaborateur se détourne de son organisation :
- La monotonie des tâches quotidiennes entraîne une perte de sens, avec des journées rythmées par des réunions répétitives.
- Il y a peu de visibilité sur les perspectives d’évolution de carrière.
- La normalisation du télétravail exclusif rend la présence sur site rare et peu attrayante.
- La proximité avec l’organisation, la direction et l’équipe s’amenuise
- Ce détachement contribue à une dégradation des relations avec l’organisation.
Il y a bien sûr d’autres raisons, comme la rémunération salariale, qui existent depuis longtemps, mais qui ne peuvent pas, à mon avis, expliquer à elles seules les problèmes rencontrés par les employés depuis la crise du Covid.
Revoir les bases
Ces défis et les opportunités potentielles amenées par les récentes avancées de l’intelligence artificielle nous donnent l’occasion de nous recentrer sur l’essentiel et de reposer les fondations de nos cultures d’entreprise en concentrant nos efforts sur deux axes majeurs :
- L’axe opérationnel : La recherche d’efficience et d’excellence dans la gestion des activités est essentielle pour que les organisations demeurent pertinentes, assurent leur pérennité, et continuent à développer leurs compétences et leurs ressources humaines.
- L’axe humain : C’est la richesse du capital humain qui permet aux organisations de se différencier sur le plan culturel, mais aussi sur le plan du business et de la compétitivité. Les talents et expertises de chacun contribuent au développement des organisations. Un capital humain négligé et/ou pressurisé peut entraîner des conséquences dramatiques.
Ces deux dimensions sont interdépendantes et ne peuvent se passer l’une de l’autre. Imaginez que l’organisation est le rotor d’un gyroscope : l’axe opérationnel représenterait alors la partie haute de l’axe de rotation, tandis que l’axe humain symboliserait la base en contact avec le sol, assurant le mouvement et la stabilité.
Ces deux axes ont connu un ensemble de turbulences ces dernières années. À l’ère de Copilot et de l’Intelligence Artificielle Générative, je perçois des opportunités permettant de donner un nouveau souffle à nos organisations, pour envisager leur futur avec plus de sérénité. Le renforcement ne pourra être réalisé que par l’usage des nouvelles technologies ; il nécessitera également, et avant tout, l’implication active du management opérationnel.
Le manager doit en effet être central dans ces initiatives, car il est le maillon opérationnel entre les collaborateurs et la direction de l’entreprise. Réel ambassadeur de son organisation, il est au premier rang pour percevoir les changements sur les axes opérationnels et humains et a la possibilité d’agir rapidement pour prévenir toute dérive pouvant nuire aux collaborateurs et à l’organisation. Le manager doit être central dans le changement de paradigme technologique et sociétal dont nous sommes témoins, et doit accompagner les collaborateurs à travers ces changements. Il aura la responsabilité de mettre à contribution les gains de temps évoqués en introduction de la meilleure des manières possibles pour renforcer les axes opérationnels et humains.
Renforcer l’axe opérationnel
Les gains de temps ici peuvent être utilisés, non pas pour augmenter la quantité de réunions ou de projets adressables par collaborateur, mais plutôt pour mettre à contribution ce temps dans l’amélioration des prestations, des services, des expertises, etc. offerts par vos organisations. Une hausse de la qualité générale est une opportunité pour les organisations de ré-évaluer leur positionnement à terme sur le marché et avoir des impacts réels en termes de résultats et chiffre d’affaires. En somme, ne pas céder à la tentation du volume et plutôt privilégier le renforcement de la qualité de votre expertise.
Renforcer l’axe humain
Il est nécessaire de revenir aux bases sur cet aspect. Les questions que je posais dans mon précédent article sont ici toujours d’actualité :
- Pour quelles raisons de nouveaux collaborateurs rejoindraient-ils votre organisation ?
- Pour quelles raisons vos collaborateurs resteraient-ils au sein de votre organisation ?
L’Expérience Employé a pour objectif de répondre à ces questions et ces nouveaux enjeux en positionnant les collaborateurs au centre de votre réflexion, organisationnelle et technologique. L’Expérience Employé repose sur 5 piliers fondamentaux :
- L’engagement : Cela passe par une modernisation de votre stratégie de communication afin que tout un chacun puisse se sentir libre et légitime de partager des idées, axes d’améliorations, etc. Cette étape est cruciale pour développer et renforcer le sentiment d’appartenance de vos collaborateurs à l’organisation.
- L’optimisation du travail : Cela passe par des solutions technologiques performantes, mais aussi et surtout par une structure organisationnelle qui encourage à la collaboration (structure transverse vs. structure silotée)
- Le bien-être au travail : Maîtriser l’hygiène de travail et identifier les risques de surmenage de vos équipes en privilégiant la sensibilisation et le dialogue.
- L’apprentissage : Encourager la montée en compétences de vos collaborateurs afin de garantir leur épanouissement professionnel, leur progression et limiter le risque de bore-out
- La création de valeur/l’innovation : Inclure vos collaborateurs dans la stratégie de votre entreprise et encourager la prise d’initiatives. Ce pilier ne peut avoir lieu réellement que si les collaborateurs ont un fort sentiment d’appartenance à l’organisation.
Saisir les opportunités offertes par l’IA pour réinventer nos métiers
L’expérience employé devra être épaulée par des solutions technologiques mais aussi et surtout être épaulée par le management.
Une expérience employé doit être animée en fédérant les collaborateurs et en inscrivant de manière durable cette expérience dans la culture de l’entreprise. Les outils ne peuvent pas remplacer un leadership. Toutefois, l’animation managériale quotidienne demande du temps et de la créativité qui ne peuvent pas s’improviser. Les gains de temps apportés par Copilot et autres solutions d’intelligence artificielle offrent de nouvelles opportunités pour permettre aux managers de réinventer leur fonction et accompagner les collaborateurs dans cette nouvelle ère.
Pour répondre aux questions initiales d’Amaël, je pense que les gains de temps apportés par Copilot pour Microsoft 365, et les solutions d’IA plus globalement, doivent permettre aux organisations de se réinventer et de proposer une approche du business et des relations humaines en adéquation avec les défis de notre société.
A l’ère du télétravail et des changements induits par les nouvelles technologies, les collaborateurs ont plus que jamais besoin de sens et non de contraintes pour maintenir et renforcer leur enracinement avec leur organisation. Le manager doit œuvrer dans ces chantiers et réconcilier l’excellence opérationnelle avec l’excellence humaine en développant, en améliorant et en inscrivant durablement l’expérience employé dans la culture de l’entreprise à la fois dans le réel et dans le virtuel.
Les êtres humains ont un besoin fondamental d’interactions sociales réelles, qui ne peuvent être entièrement remplacées par des réunions Teams. En effet, la dynamique et l’alchimie des échanges en face à face se perdent lorsque nous nous reposons uniquement sur des outils numériques, ce qui entraîne à terme une perte de motivation et d’humanisme. Cette situation peut devenir problématique, engendrant souffrance et insécurité pouvant mener à une rupture entre vos talents et votre organisation. Les bénéfices du travail hybride ne peuvent toutefois pas être ignorés pour autant : le management doit apprendre à composer avec ce contexte et offrir à ses collaborateurs une expérience employé dont le dynamisme et l’alchimie sont équivalents dans l’environnement réel, hybride et virtuel de votre organisation.
Et si l’arrivée de Copilot nous permettait de retrouver cette spontanéité que nous chérissons tant mais cette fois-ci dans les mondes virtuels que nous avons établi ?
Prenons le cas de la recherche d’information et de l’accès à la connaissance de l’entreprise : dans un contexte entièrement distanciel, chercher des informations peut générer un sentiment d’impuissance, de perte de contrôle et d’incompétence lorsqu’on est seul face à son moteur de recherche. Dans ce cadre, Copilot pourrait jouer le rôle d’un véritable compagnon ou collaborateur virtuel, apportant un nouveau dynamisme dans un environnement numérique chaotique sans avoir recours à de nouvelles réunions Teams.
L’arrivée de Copilot dans de plus en plus de services pour Microsoft 365 comme au sein des conversations de groupes Teams tend à confirmer cette logique de collaborateur virtuel avec qui vous pouvez retrouver une forme de naturel dans le virtuel.
Pendant le vol, le copilote assiste le commandant de bord dans la gestion des systèmes de l’avion, la communication avec le contrôle de la circulation aérienne et la navigation de l’avion. À l’atterrissage, le copilote aide à sécuriser l’avion, à remplir les documents d’après-vol et à débriefer l’équipage. De la même manière, les solutions d’intelligence artificielle telles que Copilot peuvent soutenir les managers et les collaborateurs dans leurs tâches quotidiennes, en facilitant la gestion des informations, la communication et la collaboration.
Finalement, la valeur d’un outil intégré à base d’IA générative tel que Copilot ne devrait pas se limiter à la mesure d’un ROI, aux gains de productivité, à l’optimisation de processus, etc. Elle devrait plutôt être déterminée par l’usage, ou plutôt les différents usages, les nouvelles possibilités offertes, les nouveaux modes d’interaction avec l’outil numérique au sens large. Une réalité dont nous ne percevrons les enseignements qu’à long terme, ce qui est compréhensible compte tenu du changement radical qu’apporte l’Intelligence Artificielle Générative pour notre société.
Les opportunités sont nombreuses, il ne tient qu’à nous de savoir les saisir, en accompagnant ce changement de paradigme technologique d’un changement de paradigme managérial et organisationnel. Sans cela, aucune chance d’en tirer toute la puissance et d’espérer une création de valeur durable.
Auteur : Kevin ANOUDOUT, Consultant Digital Sénior chez Expertime
Co-auteurs – Laura GUEGUEN, Directrice des Richesses Humaines chez Expertime / Amaël Le Lan, Directeur Général Adjoint chez Expertime